jeudi 18 janvier 2018

Dieu est mort pour Harry Crews

Le chanteur de Gospel (Harry Crews – Gallimard / Folio Policier)

« Les hommes pour qui Dieu est mort s'idolâtrent entre eux. »

Oubliez cette couverture du poche qui pousse à imaginer un Jour des Morts mexicain plus que la Georgie profonde des USA. Harry Crews a vécu dans l’Amérique profonde et pauvre qui a suivi la Crise de 29. Si vous ne savez pas où se trouve cet état, il est collé au-dessus de la Floride et écrasé entre la Caroline du Sud et l’Alabama. Vous voyez, ça commence à donner des couleurs à ce roman que vous n’avez pas lu.



Le livre est bien titré puisqu’on suit le retour au pays du Chanteur de Gospel. Il n’a d’ailleurs pas d’autre nom car c’est son identité idolâtrée par tous dans le pays. C’est l’histoire d’un jeune homme qui se découvre une voix merveilleuse et l’utilise pour chanter des louanges à Dieu… Et afin de s’enrichir et quitter son bled pourri de naissance. Mais ce vernis presque propre se fissure au fur et à mesure que l’on rentre dans le récit. On découvre ses vices, ses pulsions sexuelles malsaines, sa méchanceté et en même temps cette douleur d’être enfermé dans son rôle de Chanteur de Gospel qu’il s’est créé. Il est accompagné de Dydimus, un type pas si net que ça qui croit fermement que le chemin divin doit être parcouru dans la douleur et donne ainsi les châtiments à son protégé de chanteur. Une fois arrivés à Enigma, l’histoire s’enfonce mollement dans une atmosphère sombre, on s’y englue couche par couche comme si on avait posé le pied dans des sables mouvants. C’est glauque, on croise des Freaks, des fous de dieu, des brebis innocentes, des personnages rustiques, des très envieux, et 300 pages plus tard : une fin radicale.

Je découvre Harry Crews grâce au conseil d’un bon ami. C’est par son premier roman que j’ai donc débuté. Et c’est un tour de force, une histoire risquée. En effet, ce livre est un risque, pour l’auteur, l’éditeur initial et aussi pour le lecteur. Il ne laisse pas indemne, il est rugueux, du cul-de-jatte à la femme vulgaire, il décrit une Amérique désœuvrée, un pays qui n’est pas magnifié et de plus avec une très grande sincérité. L’auteur aurait pioché dans ses souvenir d’enfance, et peut-être que c’est cela qui donne à ce texte tant de puissance. Le phrasé est parfois compliqué par trop de simplicité : on parle le langage du coin avec des mots haché et une phonétique mâchouillée (au passage, bravo au traducteur pour ce rendu). Et avec toute cette méchanceté, ce sang, ces idées reçues au fil de la lecture, on pénètre petit à petit dans l’humanité. C’est cela la véritable magie du récit. Harry Crews défend les freaks par une simple description d’anormalité. Il questionne sur qui sont les véritables monstres ? Il redéfini les lignes de l’étrange, de la peur et de la fascination des « créatures » avec ceux qui semblent l’être et ceux qui le sont véritablement.

Un roman noir, qui transpire sous les bras, qui vous traîne successivement sur le sable bien sec et granuleux et après dans la fange bien gluante. Foncez le lire si vous aimez ce genre de plume !

mercredi 17 janvier 2018

Une histoire de chats

Miaou ? 

Je peux enin dévoiler un peu plus sur un projet en cours. Cela fait suite à ma photo de contrat "Glénat" que j'avais déposé sur les réseaux sociaux. 
Mais ici, point de BD chez ce grand éditeur : du ludique, du fun avec un soupçon de réflexion. Je travaille : un escape-book dans l'univers de Chi (de Konami Kanata).
Au dessus, ce n'est pas le visuel du livre-jeu, juste de quoi habiller cette annonce. J'en profite pour remercier Sébastien C. pour la mise en contact et Benoit H. pour cette très belle collaboration (oui, je sais je dois terminer le texte).
Comme je dois aussi boucler les dialogues de la BD et accessoirement, écrire un roman (en attendant le retour de correction des deux autres (n'est-ce pas Florence L.), je suis assez occuper mais entre 15 000 trucs, j'ai un peu de temps pour me projeter dans l'avenir, notamment prévoir un prochain voyage (studieux) à l'étranger pour 2019, qui ne s'annonce pas si mal.
Mais au lieu de parler, je vais retourner travailler, ça sera plus productif et je pourrais ainsi partager avec vous d'autres bonnes nouvelles.

Donc Escape, Au secours de Chi sors le 30 mai prochain. Je vais essayer d'en obtenir pour les Imaginales... Avec un peu de chance.... Les seules infos officielles pour le moment se trouvent chez les libraires en ligne : https://www.librairiedialogues.fr/livre/13522659-escape-au-secours-de-chi-konami-kanata-fabien-fernandez-glenat-jeunesse

A bientôt pour de prochaines aventures !
A bientôt pour de prochaines aventures !



samedi 6 janvier 2018

Bin au début…



On repart pour une nouvelle année d’avis personnels.

Big Easy – Ruta Sepetys (Gallimard - Scripto)


Ce roman classé “ado” dans la collection Scipto de Gallimard avance une couverture un peu vieillotte de La Nouvelle Orléans. Et pour cause, ça se déroule dans les années 50. J’avais cette petite brique de 400 pages depuis un an sur ma Pile À Lire (PAL, pour les intimes) et j’attendais de me mettre à l’écriture de mon manuscrit NOLA Forever, qui parle donc de la même ville, pour m’y plonger. En réalité, je n’attendais rien de cette histoire. Au début, je me suis dit « pourquoi pas », le quatrième de couverture ne vendant pas forcément du rêve pour quelqu’un amoureux de New Orleans pour moi. J’ai aussi pas mal de James Lee Burke au compteur et quelques autres romans se déroulant dans la région. Du coup, il est difficile de sortir de cliché et des idées reçues sur la Big Easy, comme disent les amis ‘ricains avec un petit sous entendu hautain. Et évidemment, j’ai été agréablement surpris. La plume de l’autrice est très fluide et l’histoire très bien construite. On se laisse surprendre par quelques tournures scénaristiques et on est surtout plongé à suivre Josie, cette adolescente indésirée, récupérée par la Madame du Vieux Carré (comprendre par là la maquerelle de la maison clause du quartier). J’ai trouvé le récit sensé et sensible. Il nous embarque dans une époque et un lieu sans en faire trop, en esquivant les caricatures et on perçoit aisément le travail de recherche effectué en amont par l’autrice. Un véritable plaisir quand c’est distillé aussi délicatement. Le livre n’est pas exempt de défaut, mais ce sont des défauts d’appréciation personnels. En résumé, cela ferait un bon film. Pas cette fois que je sois porté par la passion de l’histoire comme d’autres livres, mais parce que j’ai le sentiment que l’histoire est conçue comme cela. Un bon film, une bonne histoire, des rebondissements où il faut et quand il faut et bien qu’on y préserve de la chaleur humaine c’est peut-être cette perfection dans la construction qui crée pour moi un semblant de faiblesse. On retombe sur ses pieds et c’est bien, néanmoins, je préfère les histoires plus fortes, celles avec une once de déséquilibre, de choix plus forts dans leur sujet. Toutefois, ne vous arrêtez pas à ce dernier point, foncez, c’est un très bon livre (sinon je n’en parlerais pas).

The Deuce – David Simon et George Pelecanos (HBO)


J’adore l’ouvre de David Simon (et donc par la même occasion, une bonne partie de celle de George Pelecanos qui a été scénariste sur The Wire et Treme). Du coup, quand j’ai entendu les rumeurs de sa nouvelle série, on parlait de rock dans les 70s à New York. Une sorte de déclinaison de Treme ? En fait non, car The Deuce (le quartier de la 42e à New York City) parle de sexe et plus particulièrement de la naissance du film porno dans les 70’s. Je suis toujours frileux de sujets comme le sexe ou même la violence, le sang etc. sur écran. Souvent, c’est pour vendre et ça n’apporte rien à l’histoire. Dans L Word, ça marchait la première saison, dans Game of Thrones, c’est devenu un leitmotiv saisonnier. Si dans cette série on n’a pas sa dose de fesse, tétons et sang, la saison n’est pas complète. De fait, j’étais très partagé entre l’œuvre de Simon et le sujet. Je me suis plongé dedans sans rien attendre et une nouvelle fois, le duo Simon/Pelecanos fait du grandiose. Déjà, ils changent de registres mais ensuite, ils ont cette force de construire des personnages très divers et très humains (avec tous ce que ça comporte) pour mener une histoire dans son ensemble, totalement juste. Tout est fiction mais tout est basé sur du réel, on entre pleinement dans cet univers. Le sexe est ici le sujet, il n’est ni glorifié, ni dégradé. On parle autant de la prostitution, des tabous, de l’homosexualité, des interdictions législatives, de la corruption policière qui y est liée… tout y passe et rien n’est tout blanc ou tout noir, on avance dans une grande subtilité de nuance de gris. On parcourt une fresque humaine ou les différents groupuscules sont connectés entre eux par un quartier ou une connaissance, ou tout le monde évolue en permanence. Pour ne rien gâcher, cette fois on y croise des stars comme James Franco et Maggie Gyilenhaal au milieu d’autres grands acteurs et actrices, dont certains reviennent de The Wire et/ou Treme dans des rôles évidemment très différents. The Deuce est donc un nouveau tour de force et comme il se doit, le succès est là, plus apparemment critique que publique, poussant ainsi une saison 2, à se faire attendre un peu plus que prévu. 

Et un petit bonus pour un aperçu :  


#TheDeuce #GeorgePelecanos #DavidSimon #BigEasy #NewOrleans